À propos de l’auteure

Lina Shoumarova

Attachée de recherche, QUESCREN

Lina est titulaire de deux maîtrises de l’Université Concordia : en Educational Studies (2020) et Media Studies (2007). Elle a travaillé dans le domaine de l’éducation pendant dix ans en tant que chargée de cours universitaires, éducatrice et tutrice pour des élèves du primaire et du secondaire, animatrice d’ateliers pour des apprenant.e.s adultes, chercheuse autonome et administratrice. Ses intérêts de recherche portent sur la littératie, l’éducation alternative et la dynamique culturelle du langage, en particulier dans le domaine de l’édition et du livre en tant qu’objet matériel.

Feuille de route pour la recherche sur l’approche québécoise en matière d’écoles communautaires

Le réseau québécois des centres scolaires communautaires (connus en anglais sous l’acronyme CLC [Community Learning Centers] et le nom « community schools » [écoles communautaires]) découle d’un mouvement international qui s’exprime sous une forme unique au Québec. Lancé en 2006 par Noel Burke dans le secteur de l’enseignement en anglais, il a pour but de rapprocher les écoles officiellement rattachées à la minorité linguistique de leur communauté locale. En date de juillet 2022 (en anglais), plus de 90 écoles affiliées aux neuf commissions scolaires anglophones de la province avaient adopté l’approche des CSC et fournissaient un enseignement enrichissant, axé sur la communauté, à plus du quart des élèves anglophones du Québec.

L’équipe des ressources provinciales (Provincial Resource Team, ou PRT) du Réseau des ressources pour l’éducation anglophone (Leading English Education and Resource Network, ou LEARN) chapeaute le réseau québécois des CSC. Elle soutient et favorise la mise en œuvre de ses trois visées stratégiques :

La collaboration entre les écoles et les communautés contribue à la réussite des élèves et à de meilleurs contextes éducatifs, en améliorant le climat scolaire et le bien-être social, émotionnel et scolaire de tous les élèves.
Les écoles engagées dans des partenariats avec des organisations communautaires et des prestataires de services peuvent apporter davantage de ressources et de programmes indispensables non seulement aux enfants et aux jeunes d’âge scolaire, mais aussi à leurs familles, et de façon plus large, à l’ensemble de la communauté anglophone.
Les écoles ont un rôle à jouer et une contribution à apporter à la vitalité de la communauté anglophone minoritaire du Québec.

D’après la professeure Patricia Lamarre, les rapports d’évaluation externes révèlent que les écoles communautaires confirment les espoirs placés en elles : elles entraînent une amélioration du climat scolaire, un engagement accru de la part des élèves ainsi qu’un meilleur accès aux ressources et services pour la communauté anglophone du Québec.

Lisez la suite pour découvrir ce que Patricia et ses collègues de LEARN m’ont confié en entrevue au sujet des CSC et d’une nouvelle feuille de route pour la recherche.

La puissance des partenariats

L’un des éléments qui distinguent l’approche québécoise en matière de CSC est la présence de partenariats bénéfiques entre les écoles et les organismes communautaires locaux. Grâce à eux, les élèves ont par exemple accès à des activités de jardinage avec un écocentre local ou à des projets d’écriture intergénérationnels organisés de concert avec l’English Language Arts Network (ELAN). Par ailleurs, les programmes de santé et bien-être mis sur pied en collaboration avec le Réseau communautaire de santé et de services sociaux (CHSSN) connaissent un franc succès. Citons enfin le « Goodnight Bag » qui fournit des ressources d’alphabétisation pour les enfants d’âge préscolaire de même que des ressources en santé mentale pour les familles.

« L’une des forces du travail collectif, c’est qu’il permet de mettre en commun différentes sources de financement, mais aussi d’élargir le mandat traditionnel des écoles », explique Patricia Lamarre, professeure en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal ayant mené plusieurs études importantes au sujet du réseau des CSC. Elle note que les écoles anglophones en milieu rural éloigné semblent davantage interagir avec leur communauté locale, « où les besoins liés aux ressources et aux services en anglais sont plus criants ».

Davantage de recherche nécessaire

Malgré le succès de l’initiative CSC et l’existence de modèles d’écoles communautaires similaires à travers le Canada, la recherche à propos de l’aide qu’elles apportent aux communautés locales reste lacunaire, et il y a trop peu de politiques pertinentes. Les parents, éducateurs et décideurs politiques ainsi que les leaders communautaires manifestent cependant un intérêt croissant pour les écoles communautaires. Il apparaît donc de plus en plus important d’en déterminer la valeur.

Selon Debbie Horrocks, directrice de l’équipe des ressources provinciales chez LEARN, il existe une foule de recherches sur le mouvement des CSC, notamment aux États-Unis, mais seule une petite partie est applicable aux contextes canadien et québécois.

« Beaucoup d’acteurs du domaine aimeraient avoir accès à des données sur le Canada pour soutenir le développement de leurs initiatives d’enseignement communautaire », ajoute-t-elle.

Patricia Lamarre partage cet avis : « Nous devons passer le mot auprès de ceux et celles qui entament un doctorat, de même que des chercheurs et chercheuses en début de carrière : c’est une merveilleuse opportunité d’intégrer le contexte scolaire et de se pencher sur quelque chose de nouveau, de novateur, de local et de spécifique aux communautés appartenant à la minorité anglophone. »

Sujets et avenues de recherche possibles

Debbie Horrocks, Patricia Lamarre et Ben Loomer, conseiller pédagogique chez LEARN, recensent plusieurs avenues de recherche potentielles en lien avec les CSC pour l’avenir :

État des connaissances

Dans un premier temps, il serait judicieux de poser les bases, c’est-à-dire de faire une synthèse de la recherche existante au sujet des CSC du Québec, du Canada et de l’étranger. Cela permettrait en outre de relever les lacunes en recherche et de repérer les questions valant la peine d’être explorées.

Rendement de l’investissement et, plus précisément, rendement social de l’investissement

Le rendement social de l’investissement mesure le succès des politiques et des programmes sociaux, et il aide à prendre des décisions éclairées au sujet de l’utilisation actuelle des ressources. Dans le contexte des écoles communautaires (en anglais), l’outil permettrait d’évaluer les effets positifs et négatifs des programmes sociaux sur les enfants, les familles et les commissions scolaires locales. Évaluer les partenariats école-communauté dans le contexte québécois, en faisant des liens avec le concept de rendement social de l’investissement, serait une contribution utile à la recherche.

Patricia Lamarre met cependant en garde : les cadres qui entourent ce concept doivent être appliqués avec attention. Il faut s’assurer qu’ils exposent clairement la contribution des différents intervenants : écoles, organismes communautaires, parents, etc. Parce que le rendement social de l’investissement cherche à associer une valeur monétaire à des retombées sociales souvent intangibles, il pourrait par exemple s’avérer difficile de déterminer les effets des CSC sur la réussite scolaire ou sur l’amélioration du climat scolaire.

Enquête générale

Une enquête générale, conçue pour recueillir des données quantitatives et qualitatives auprès des directions d’école et du personnel des commissions scolaires, chercherait à évaluer les défis et les pratiques exemplaires dans les CSC, et sonderait les professionnels de l’éducation, tous genres confondus, pour trouver des idées liées aux CSC susceptibles de faire l’objet d’études futures lesquelles seraient pertinentes pour leur travail.

Pauvreté et enfance dans le secteur scolaire

À mesure que l’écart des salaires se creuse entre les familles canadiennes, les résultats scolaires des enfants issus de familles à faibles revenus se dégradent. On pourrait étudier davantage la façon dont les CSC gèrent ce problème ou aident à soulager la pauvreté, notamment par l’entremise de programmes comme Le club des petits-déjeuners.

Conférence pancanadienne sur les CSC

À quoi ressemble la scolarisation communautaire à travers le pays? Une conférence pancanadienne traiterait de cette question en rassemblant des chercheurs, des praticiens de l’éducation, des bailleurs de fonds, des prestataires de services et du personnel de première ligne pour « s’échanger sur les modèles et pratiques, et travailler ensemble à renforcer et à élargir le mouvement des écoles communautaires / de l’enseignement communautaire au Canada », notent mesdames Lamarre et Horrocks.

Comme mentionné plus tôt, l’approche québécoise en matière d’écoles communautaires diffère de celle des autres provinces et des États-Unis. Comme Debbie Horrocks l’explique, les CSC anglophones du Québec se concentrent sur les écoles et sur les ressources que ces dernières peuvent générer pour leur communauté respective. Les modèles albertain et américain sont différents. Au lieu de miser sur des partenariats, les établissements dépendent d’une organisation de financement principale, souvent d’une fondation. Dans l’Ouest canadien toujours, les CSC ont fréquemment pour mandat de soutenir les communautés autochtones locales. Par comparaison, il serait plus juste de parler de programmation parascolaire ou d’activités extracurriculaires que de scolarisation communautaire en Ontario. Et du côté des Maritimes, le réseau fonctionne comme un fournisseur « d’éducation populaire »; il propose des cours payants d’intérêt général qui sont ouverts au public.

Des initiatives dynamiques et uniques

Une variété d’approches convient au traitement de ces sujets, dont la recherche communautaire et la recherche-action. Les chercheurs universitaires peuvent faire converger leurs intérêts avec ceux des praticiens de l’éducation, et d’obtenir l’accès à des écoles ou à des organismes communautaires travaillant avec des écoles.

Pour reprendre les mots de mesdames Horrocks et Lamarre, le temps est venu de regrouper les connaissances qui existent à propos des nombreuses initiatives dynamiques et uniques de scolarisation communautaire à travers le pays, pour « les partager, célébrer les réussites canadiennes, et établir une feuille de route pour la recherche et pour l’élaboration de politiques adaptées à notre contexte. »

Si vous souhaitez réaliser une étude sur un sujet liée aux CSC, merci de vous adresser à l’équipe des ressources provinciales de LEARN (en anglais).

Ressources supplémentaires :

LEARN. Centres scolaires communautaires.

LEARN. CLC History and Archives + Resources.

LAMARRE, Patricia (novembre 2022). The Evolution of the Community Learning Centre Network in Quebec’s Official Language Minority School System. QUESCREN Working Paper No. 7. Montreal: Quebec English-Speaking Communities Research Network.

LAMARRE, Patricia, Debbie HORROCKS et Emma LEGAULT. (2021). The Community School Network in Quebec’s Official Language Minority (OLM) Education Sector. QUESCREN Education Research Brief No. 8. Montreal: Quebec English-Speaking Communities Research Network.

MAIER, Anna. Julia DANIEL, Jeannie OAKES et Livia LAM. (2017). Community Schools as an Effective School Improvement Strategy: A Review of the Evidence [Rapport]. Washington, DC: Learning Policy Institute.

What a Community School Approach Brings to Quebec’s English School Sector: Connections, Connections, Connections.” Dîner-causerie du QUESCREN tenu le 13 octobre 2022.