À propos de l’auteure

Diplômée en enseignement du français langue seconde et en études littéraires, Maria Popica enseigne le français langue seconde au Cégep John-Abbott depuis 2008. Elle est également chercheuse, coautrice d’ouvrages destinés à l’enseignement et à l’apprentissage du français langue seconde et experte de contenu en conception de cours à distance.

Son expérience de vie et de travail ainsi que ses diverses collaborations l’ont amenée à développer un intérêt marqué pour la communication interculturelle qui est au cœur de ses pratiques pédagogiques, de ses travaux de recherche et de ses publications.

Dans son enseignement, elle privilégie les projets expérientiels permettant aux élèves d’apprendre le français en contexte authentique de communication et de s’immerger dans la culture québécoise.

En reconnaissance de ses pratiques novatrices en enseignement et en recherche, elle a reçu en 2019 le prix H. H.-Stern de l’Association canadienne des professeurs de langues secondes et en 2020 le Prix de la ministre de l’Enseignement supérieur du Québec, volet « Ressources éducatives ».

Renforcer les compétences de communication en langue seconde des élèves anglophones grâce à l’apprentissage expérientiel

Qu’est-ce qui m’a motivée à entreprendre des recherches sur l’apprentissage expérientiel en classe de français langue seconde ?

D’entrée de jeu, une précision s’impose : Avant d’être chercheuse en éducation, je suis surtout enseignante de français langue seconde dans le secteur collégial anglophone. J’y suis arrivée il y a une quinzaine d’années avec le souhait ardent de pouvoir transmettre à mes élèves ma passion pour l’apprentissage des langues et des cultures.

Dès mes premières expériences en classe, j’ai été confrontée à l’amotivation, voire à une certaine résistance de mes élèves à améliorer leur français, une langue qu’ils considéraient souvent comme trop difficile et surtout imposée. Intriguée par cette réaction, j’ai décidé, en collaboration avec un collègue partageant une expérience similaire, d’explorer les raisons sous-jacentes du faible intérêt des élèves anglophones pour l’apprentissage du français, une langue qu’ils reconnaissaient néanmoins comme importante pour leur épanouissement social et professionnel.

L’étude intitulée Perceptions et motivation à l’égard du français langue seconde enseigné au Québec (Gagné et Popica, 2017) et menée auprès de plus d’un millier d’élèves du collégial anglophone du Québec a mis en lumière une faible motivation pour l’apprentissage du français langue seconde. Un tiers des répondants ont même affirmé avoir résisté à l’apprentissage du français en raison de son caractère obligatoire. Les entrevues et les discussions de groupe ont révélé d’autres facteurs contribuant à cette résistance : le contexte politique, l’anxiété linguistique exacerbée par un environnement francophone exigeant, des méthodes d’enseignement peu stimulantes, l’influence des proches, etc. L’étude a également mis en lumière des attitudes négatives envers la communauté francophone et sa langue.  Néanmoins, elle a souligné que plus les jeunes anglophones se lient d’amitié avec des francophones, plus leur motivation à apprendre le FLS augmente, meilleures sont les attitudes envers la communauté francophone et moins il y a de résistance à l’apprentissage de la langue.

Ces découvertes venaient heurter ma conviction inébranlable que les langues servaient de pont entre les individus de diverses cultures et ont agi comme un ressort sur moi.

Pour relever les défis du présent et de l’avenir et pour être prêts à évoluer dans une société riche en cultures et en possibilités, le vivre ensemble dans une société plurilingue et pluriculturelles comme la nôtre exige la capacité d’apprendre ensemble et d’agir ensemble. Dans cet esprit, il est essentiel d’acquérir une compréhension approfondie de la langue et de la culture de l’autre.

La question cruciale que je me suis posé est la suivante : Comment susciter le désir d’apprendre le français langue seconde chez les élèves, contournant ainsi le défi de l’obligation et leur offrant l’opportunité de rencontrer l’autre?

Une partie de la réponse m’a été livrée par une élève lors d’une sortie au musée, suivie d’une représentation théâtrale en français : «On apprend davantage quand on sort de la salle de classe.»

En effet, si l’apprentissage de la communication verbale en langue seconde pour répondre à des besoins fonctionnels peut être accompli en salle de classe, la véritable rencontre de l’autre exige des compétences allant bien au-delà de l’expression verbale. Ces compétences ne peuvent être acquises que par l’expérience directe de l’altérité. Il est alors essentiel de partir «de la primauté de l’expérience et de la recherche d’investissement personnel plus profond (…) pour concevoir des activités concrètes destinées à faciliter les manières d’aborder l’autre.» (Beacco, 2018 : 49)

C’est dans cette optique que j’ai monté divers dispositifs pédagogiques d’apprentissage expérientiel en classe de FLS, étudiant leur impact sur la motivation à apprendre la langue et les attitudes envers la communauté francophone.

Parmi ces dispositifs, j’en mentionnerai deux ici :

Un premier dispositif a été mis en place au Cégep John-Abbott en 2017-2018 et a depuis fait l’objet d’améliorations continues. Il s’agit d’un cours de français basé sur l’approche de l’apprentissage par l’engagement communautaire dans le cadre duquel des élèves du niveau intermédiaire en français sont immergés dans la communauté (écoles, institutions du CIUSS de l’Ouest-de-l’île, etc.) où ils fournissent des services en français pendant une durée de 10 semaines, à raison de trois heures par semaine. Cette approche invite les élèves à s’investir dans des relations interpersonnelles avec des francophones en réalisant des tâches qui renforcent leurs compétences langagières, interculturelles, ainsi que leur sentiment d’appartenance à la communauté.

Un deuxième dispositif a été monté à l’automne 2023 en partenariat avec le Théâtre du Nouveau Monde. Il s’agit d’un cours de français dans lequel nous explorons le potentiel pédagogique de la pratique théâtrale en classe et à l’extérieur de la classe, dans le but d’inciter les élèves à s’exprimer dans un environnement ludique, convivial et stimulant, où la créativité est au premier plan. Je souhaite ainsi favoriser le développement de la confiance en soi, si précieuse pour la pratique d’une langue seconde, tout en facilitant l’interaction des élèves avec la culture québécoise.

En somme, ma démarche de recherche émane de mon expérience en tant qu’enseignante dans le milieu collégial anglophone au Québec. Mon but principal est d’explorer des solutions pour éveiller l’enthousiasme des étudiants à l’égard de l’apprentissage du français, souvent perçu comme ardu et contraignant. Profondément convaincue que les langues peuvent servir de passerelles entre des individus issus de diverses cultures, j’ai élaboré des dispositifs pédagogiques d’apprentissage expérientiel offrant à mes élèves l’opportunité de vivre l’altérité en temps réel. En fin de compte, mon objectif est de transformer l’apprentissage du français en une expérience enrichissante qui favorise les interactions en langue seconde et le développement de compétences interculturelles, tout en renforçant le vivre-ensemble au sein de notre société pluriculturelle.


References : 

Beacco, J. C. (2018). L’altérité en classe de langue. Pour une méthodologie éducative. Paris : Didier.

Gagné, P. et Popica, M. (2017). Perceptions et motivation à l’égard du français langue seconde enseigné au Québec. Montréal : Vanier Press. Récupéré du site :
eduq.info/xmlui/bitstream/handle/11515/34764/784777-gagne-popica-perceptions-motivation-cegepiens-fls-vanier-john-abbott-PAREA-2017.pdf